CHOPPINET Eric
SEL d'Orsay
107 boulevard de Mondétour
91400 ORSAY
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Orsay, le 02 février 1998

Page d'Acceuil Les Dix commandements du SEL Résultat du procès en appel La fin du travail Ecrivez-moi

 
Monsieur Pierre LASBORDES
Député de l'Essonne

 

Monsieur le Député,

 Le 6 janvier 1998, le Tribunal de Grande Instance de Foix (Ariège) a condamné trois membres du SEL Pyrénéen (Système d'Echange Local Pyrénéen) pour travail dissimulé et utilisation de travail dissimulé.

Nous avons crée le SEL d'Orsay (Système d'Echange Local d'Orsay en Essonne) en juin 97, et nous sommes 40 membres aujourd'hui. Cette décision de justice qui nous concerne donc au plus haut point, nous déconcerte, nous interroge, et nous inquiète.

Ainsi une adhérente du SEL Pyrénéen (Mme Sarah TWO), sans ressource, n'avait pas les moyens de faire réparer le toit de sa maison par un artisan. Elle a demandé à deux autres adhérents (John MAC CULLOGH et Robert EVANS) de l'association, dont un allocataire du RMI, de faire le nécessaire. En contrepartie, pour rendre des services à son tour et payer sa dette, elle propose aux autres adhérents du SEL les légumes biologiques qu'elle cultive. Nous considérons qu'il s'agit d'entraide. Les juges en ont décidé autrement en les condamnant tous les trois.

Si ce jugement était confirmé, certains adhérents du SEL d'Orsay pourraient se voir aussi à l'avenir accusés de travail dissimulé, en toute bonne foi, avec le simple sentiment d'avoir rendu service à un voisin ou un ami.

Il faut reconnaître que la condamnation de " travail dissimulé " est pour le moins surprenante, concernant les adhérents d'un SEL, car tous les échanges sont comptabilisés,.

Ce jugement est de plus ambigu. En effet, les trois adhérents sont condamnés, mais une peine minimale : 2000 Frs d'amende avec sursis, et 1F de dommages et intérêts au plaignant. De surcroît, les juges ont reconnu le rôle social des SEL. Ceci montre combien la loi est mal adaptée pour juger ce type de situation.

En marge du jugement ; certains commentaires concernant ce procès laissent penser que les adhérents des SEL seraient des ultra-libéraux, anti-sociaux voulant s'affranchir du contrôle de l'Etat, ou des anarchistes en lutte contre

l'omniprésence de l'Etat ou encore simplement un ensemble de débrouillards voulant échapper au paiement des impôts et taxes qui sont dûs pour financer le bien public.

Nous nous élevons énergiquement contre cette vision. Les adhérents du SEL d'Orsay, et sans doute des autre SEL, ne sont rien de tout cela. Ils souhaitent simplement pouvoir se rendre des services entre adhérents, sachant que tout le monde n'a pas les mêmes besoins et que dans certains cas les services rendus peuvent être relativement conséquents.

En définitive il faut bien prendre conscience que toutes ces discussions n'auraient pas lieu d'être si chacun en France disposait de suffisamment d'argent pour vivre décemment. Non pas parce que les SEL n'existeraient pas ; il ne faut pas oublier qu'un des principaux intérêts d'un SEL reste la rencontre et l'entretien du lien social ; mais parce que personne n'y trouverait à redire. L'association des castors a construit voici trente ans des quartiers entiers. Personne ne les a inquiétés. Bien au contraire, ils ont été encouragés. D'autres temps, d'autres jugements.

Or " l'argent " des SEL, dans certains cas, supplée effectivement au manque d'argent national. Pourquoi alors ne pas le reconnaître ?

Nous nous sommes réunis le 31 janvier 98 pour réfléchir à ces questions et décider d'une position concernant ce procès.

Ainsi, nous réaffirmons avec force que nous ne sommes pas des ultra-libéraux, anti-sociaux, anti-Etat, nous ne souhaitons pas faire de concurrence déloyale aux artisans, nous ne cherchons pas à nous débrouiller entre nous et créer des activités parallèles pour nous soustraire au paiement des impôts et des charges sociale et à l'amélioration du bien public financé par l'impôt.

Nous affirmons cependant que nous voulons pouvoir continuer à nous entraider, et simplement échanger des services, des savoirs et des biens, sans devoir nous limiter à des services futiles.

La seule solution que nous avons pu imaginer pour rendre compatibles ces deux positions à prime abord contradictoires, c'est de payer effectivement des charges et des impôts, mais avec notre unité d'échange interne. Tout autre mode de paiement serait impossible, l'association du SEL d'Orsay ne manipule pas d'argent national, si ce n'est la cotisation de 100 Fr par an par adhérent servant à l'achat des timbres, papiers, cartouches d'imprimantes, photocopies, etc...

Nous savons que la loi n'autorise pas aujourd'hui ces pratiques. C'est pourquoi nous nous adressons à vous pour vous demander de bien vouloir déposer un projet de loi en ce sens.

Si, par leur condamnation, des juges ariégeois ont implicitement considéré que " l'argent " des SEL était équivalent à l'argent national, alors l'Etat et les organismes sociaux ne devraient plus s'opposer à être payés avec cet argent-là.

Nous imaginons une procédure particulièrement simple. En effet, il se trouve que nous avons institué au 1er janvier 1998 une cotisation solidaire sous la forme d'un prélèvement mensuel en Orsels (notre unité d'échange interne), de 3% par mois, sur tous les comptes positifs, et alimentant le compte du SEL d'Orsay. Le SEL d'Orsay peut donc acquitter globalement les impôts et charges de ses adhérents.

La procédure serait la suivante :

Les différentes administrations ou leurs délégués pourraient utiliser ces comptes pour contacter les adhérents du SEL d'Orsay et faire réaliser les travaux dont elles ont besoin, avec les mêmes droits et devoirs que les autres adhérents du SEL d'Orsay.

Ainsi les arguments de concurrence déloyale disparaîtraient. Les artisans pourraient d'ailleurs adhérer sans craintes au SEL d'Orsay, et utiliser notre monnaie interne. Nous serions en règle avec l'Etat et les organismes sociaux.

Nous aimerions connaître vos intentions concernant notre proposition. Nous sommes à votre disposition pour tout complément d'information.

Vous remerciant de l'attention que vous porterez à notre lettre, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Député, nos salutations distinguées 

Eric CHOPPINET
Président du SEL d'Orsay

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