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La Fin du travail
de Jeremy RIFKIN

(préface de Michel ROCCARD)

Titre provocateur, il ne veut pas dire qu'on ne travaillera plus, ou que l'on ne veut plus travailler. Il faut aujourd'hui moins de gens pour assurer une plus grande production. Il faut donc repenser une organisation sociale dans laquelle ceux qui ne participent plus à la production du marché concurrentiel à dimension mondiale se voient reconnus une utilité sociale. Réorganiser le travail, réduire le temps de travail, créer de nouveaux emplois en développant des services aux personnes, lutter contre l'exclusion.

Ce n'est pas le travail qui est mort, mais les emplois industriels qui n'ont pu résister au coup de butoir de la révolution technologique (contre la fin du travail).

On n'entre pas dans ce livre impunément. Il est effrayant, déconcertant, et parfois agaçant.

L'affirmation centrale " La Fin du Travail " est que le travail productif tel que nous le connaissons a vocation, pour l'essentiel, à disparaître dans les temps qui viennent.

  1. La première partie, " Les deux visages de la technologies ", rappelle le passé. Elle rend compte des dégagements de main-d'œuvre qu'ont produits les deux premières révolutions industrielles et surtout la deuxième, celle de l'électricité, du pétrole et de l'automobile, qui suivit celle de la vapeur, de l'acier et du textile, et débouche sur l'automatisme.

  2. La deuxième partie, " La troisième révolution industrielle " examine l'évolution de la technologie telle que nous la connaissons actuellement, que l'on pourrait appeler " révolution informationnelle ".

  3. La troisième partie, " Le déclin mondial du travail ", traite du futur, même s'il s'agit d'un futur proche. C'est peut-être la plus hallucinante, bien qu'elle parle toujours des techniques et pas réellement des hommes. Les titres de ses chapitres se suffisent à eux-mêmes :

L'étonnante moisson d'exemples de techniques avancées apparaît futuriste. En fait, elles sont toutes à l'œuvre, ou vont l'être incessamment, et elles ont toutes en commun de se passer presque complètement de main-d'œuvre. .

  1. La quatrième partie, " Le prix du progrès ", aborde les résultats de toutes ces révolutions pour l'humanité en termes de distribution des richesses, de montée du nombre des sans emploi, d'extension de l'angoisse et de diffusion de la violence.
  2. La cinquième partie, " L'aube de l'ère postmarchande ", est assurément la plus surprenante, moins en ce qu'elle contient, sans doute, que par l'importance que l'auteur lui donne.

Evoquant pêle-mêle ce qu'il appelle l'économie sociale, le tiers secteur, le bénévolat, les activités solidaires, il insiste sur le nécessaire maintien du lien social à travers des valeurs qui ne soient pas seulement marchandes, des revenus de substitution pour les personnes sans emploi productif (dans le domaine social à travers des associations par exemple).

Que les machines détruisent des emplois n'est pas chose nouvelle, mais que le mouvement est en voie d'amplification rapide et aboutit à la disparition du travail productif.

L'humanité sera confrontée, dans les quelques décennies qui viennent, à un défi d'une ampleur telle qu'elle n'en a jamais connu dans le passé.

Le système social du capitalisme libéral est incapable de distribuer à une majorité de la population sans travail des revenus suffisants pour lui permettre d'acheter les objets ou services que la production automatique fournit, et fournira de plus en plus.

Tous ceux qui ont un travail régulier vivent dans l'angoisse de le perdre.

Quand à la population des sans travail, des travailleurs à statut atypique ou à temps partiel, une proportion croissante en est de plus en plus poussée vers la délinquance pour subsister, et globalement elle va devenir la majorité de la population.

L'Europe, et spécialement la France, attend toujours un redémarrage de la croissance, qui ne vient pas. Pour Rifkin cet état de chose tient à l'atonie de la demande, c'est aujourd'hui à un tiers des ménages que les revenus sont gravement amputés. La situation est en effet peu différente selon qu'il s'agit de chômeurs, aux allocations limitées et toujours décroissantes dans le temps, de travailleurs intermittents, ou à temps partiel, les titulaires de CES rémunérés au dessous des limites locales reconnues de la pauvreté. En outre une bonne partie de la population qui sont encore titulaires d'emplois à durée indéterminée et convenablement rémunérées ont une vraie angoisse de les perdre et par conséquent thésaurisent par précaution. Le chômage est en train de tuer la croissance.

Le message de RIFKIN s'adresse aux couches dirigeantes et aux 20% les plus aisés de la population, ceux-là mêmes qui sont toujours tentés de profiter de la vie en société en oubliant les devoirs qu'elle implique, ceux qui sont tentés par le repli individualiste, leur position et leur statut viennent de leur ancrage dans une société. La société est ce qui les a fait ce qu'ils sont.

On ne peut plus dire que ce qui est bon pour une entreprise française est bon pour la France, si cette entreprise délocalise ses activités en dehors de la France. Au contraire, si une firme japonaise fait travailler des Français, cela enrichit la France.

C'est une illusion de croire qu'en diminuant l'impôt sur les grandes fortunes, on va relancer l'économie et à terme améliorer la situation des pauvres.

L'avenir de notre civilisation dépend de la façon dont elle saura ou non entrer dans l'ère " post-marchande " qui s'annonce dans cette révolution industrielle.

La fin du travail pourrait bien sonner le glas de la civilisation sous la forme que nous connaissons. Elle peut aussi annoncer l'avènement d'une immense transformation sociale et d'une renaissance de l'esprit humain. Cela suppose de reconnaître qu'une vie sociale est possible au-delà du marché.

Ce tiers secteur existe mais n'est pas reconnu. Il recouvre au niveau local et associatif quantité d'activités dans le secteur de la santé, de l'éducation, de la culture, etc. ...

La réduction du temps de travail

La réduction massive du temps de travail n'est pas seulement une technique de lutte contre le chômage. Les spectaculaires gains de productivité du travail résultant des nouvelles technologies doivent permettre de réduire le temps de travail sans perte de salaire. Si nous ne partageons pas le travail, alors nous courons à la catastrophe. La richesse d'une société n'a rien à voir avec le PNB. Un indicateur de richesse devrait être en relation avec l'état de santé de chacun, par le degré de violence, par le degré de civisme des personnes, par leur niveau de civilité ou de barbarie. La production n'est pas seule source de richesse, la participation des individus à la gestion de leurs environnement est sources de richesse, le tiers secteur constitue une source de richesse.

Organiser la solidarité entre l'état - Marché - Tiers secteur

Le tiers secteur a besoin de l'aide de l'Etat et d'une redistribution en sa faveur des gains de productivité apporté par l'automatisme et par l'informatisation. Il ne peut-être question de laisser le tiers secteur sans moyens de survie, à charge uniquement de ceux qui sont évincés du marché du travail, ou des hommes et femmes de bonne volonté qui consacrent leur temps vers les autres. Il s'agit au contraire d'organiser la solidarité entre le marché, l'Etat et le tiers secteur.

Nous devons rejeter l'hypocrisie des politiques qui organisent le désengagement de l'Etat dans le domaine de la protection sociale tout en vantant les vertus du bénévolat chargé de combler le vide. Il serait souhaitable d'attribuer un salaire social aux millions de gens qui œuvrent pour la solidarité, pour éviter la constitution de deux catégories de citoyens : ceux qui seraient des salariés " normaux " dans le privé et le public qui, et ceux chômeurs, seraient amenés à travailler pour les organisations du troisième secteur.

Il est urgent de développer le culte d'autre valeurs que le profit. Générosité, solidarité, accomplissement sportif, création artistique, écoute de l'autre, ... doivent être les moteurs de nos vies plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Ils fut un temps où les esclaves seuls travaillaient, les hommes libres eussent été déconsidérés s'ils avaient effectué quelque tâche matérielle que ce soit. Eh ! bien, aujourd'hui, remplaçons les esclaves par les robots, afin que tous les hommes soient libres. Utopique ? Non, à peine anticipation.

Pour stimuler la croissance, il faut améliorer l'appareil de production, donc exclure les hommes du processus. Le jour n'est pas loin où les robots seront fabriqués par d'autres robots.

Aujourd'hui l'emploi représente un facteur négatif, hors de prix, inutilisable, nuisible au profit. La suppression d'emploi devient un mode de gestion de plus en plus en vogue, un agent essentiel du profit.

"Le travail rend libre". Ce slogan qui s'affichait à l'entrée d'Auschwitch est repris par tous les esprits bien pensants. Et le chômeur doit être désoeuvré, malheureux "comme une pierre". Les CHÔMEURS HEUREUX de Berlin dénoncent cette hypocrisie. "Si le chômage existe, affirme leur manifeste, c'est précisément parce que le but du travail est de gagner de l'argent, non d'être utile socialement. Or les chômeurs disposent d'un bien précieux : le temps. Cela pourrait être une chance historique. Notre objectif peut se définir comme une conquête du temps. Ce qui n'empêche pas le chômeur heureux d'être un homme actif. C'est même précisément pour cela qu'il n'a pas le temps de travailler." Réf : Courrier International n°412 : Pour en finir avec l'impérialisme des valeurs du travail

Les chômeurs, s'accusent de ce dont ils sont les victimes. Ils se jugent avec le regard de ceux qui les jugent. Le chômeur est menacé de tomber dans la marginalité, et cette insécurité le fragilise. Cette fragilisation, à son tour, est un obstacle à l'obtention d'un emploi. On devient exclu du monde du travail quand on devient chômeur, comme on commence à devenir coupable quand on est incarcéré, même si on est innocent.

Sait-on que, dans le souci de ne pas voir les chômeurs risquer de se distraire de la chasse à l'emploi, il leur est interdit, sous peine de perdre toute allocation, de pratiquer le moindre bénévolat, de donner par là un sens à leur vie, d'avoir une activité et d'éprouver le sentiment justifié d'être utile ? Certains diront, cherchez du travail suffit bien à remplir une vie, ne pas en trouver lui donne du piment.

Un cadre de 55 ans mis au chômage ne devrait avoir rien de mieux à faire que de profiter de la vie. Comment une société peut-elle être si débile qu'elle prétend que tout le monde doit travailler jusqu'à 65 ans et qu'elle vire ses cadres à 55 ans. (Croissance 03/97 Sandrine TOLOTTI)

Si on ne parle plus de travail, mais d'utilité, ce sont les énarques qui vont se retrouver au chômage, car le problème est de savoir qui est utile dans la société, et non pas qui travaille. Cela permet de revaloriser le bénévolat, le travail associatif, les personnes au foyer.

Les entreprises n'embauchent pas, pour l'excellente raison qu'elles n'en ont pas besoin. La vocation des entreprises n'est pas d'être charitables, elles ont un devoir de faire des profits.

Les gagnants et les perdants du grand jeu High Tech.

Nous avons à faire face à une mutation.

Les faibles sont broyés par les évolutions technologiques et la mondialisation des économies.

Les travailleurs du savoir forment un groupe qui peut utiliser l'informatique la plus moderne pour identifier, traiter et résoudre les problèmes.

Cette minuscule élite de travailleurs du savoir, d'innovateurs industriels et de responsables d'entreprise s'isole de plus en plus des travailleurs et des chômeurs de plus en plus appauvris, ils raflent les bénéfices de la nouvelle économie mondiale high tech.

Ce nouveau groupe de travailleurs internationaux ultra qualifiés ne s'encombrera pas de responsabilités civiques, et préférera ne pas partager ses gains et ses revenus avec le reste du pays.

Quelques chiffres fournis par le ministre américain du travail, Robert Reich :

Le salaire moyen aux Etats-Unis a diminué de 20% en termes réels entre 1975 et 1995.

Pendant ces mêmes années la richesse produite chaque année a augmenté de près de trois, soit 2 000 milliards de dollars de plus en 1995 qu'en 1975.

Le secrétariat d'état au commerce public publie tranquillement que 60% de ces sommes ont été accaparées par 1% des Américains

Il est exclu que ces deux millions et demi d'hyperprivilégiés consomment beaucoup plus qu'ils ne consomment maintenant, en revanche, ce dont ils privent les autres a un poids macro-économique évident.

S'il n'y a plus assez de pouvoir d'achat distribué pour acheter tout ce que l'automatisme permet d'offrir, et si cet écart tend à croître, notre civilisation, à l'évidence, va dans le mur.

L'Homme mondial  (j'ai noté pour vous)

On lit dans la bible du reengeneering ces mots à peine croyables :

La diminution du personnel due à la réorganisation des processus de gestion ne doit pas être de 15 ou 20 % mais de 80 à 90 % 

La mondialisation de l'économie n'est pas achevée, mais ses conséquences se font déjà fortement sentir. La concurrence transnationale de plus en plus âpre profite aux consommateurs mais pèse sur l'emploi et les rémunérations.

La globalisation financière, elle, est quasiment accomplie. 

A la fin des années 70, la pauvreté avait quasiment disparue du paysage social de l'Europe. Aujourd'hui, elle revient en force. On assiste à une véritable agression sociale, que masquent encore le niveau de vie élevé d'une majorité de nantis et l'affichage complaisant de taux de croissance positifs.

Quand la société ne sait pas résoudre le problème de la pauvreté, elle finit par tuer ses pauvres (Colombie-Guatemala-Venezuela-Brésil), évoquée aussi par Viviane FORRESTERDans les années 70, on expliquait que pour éviter le chômage, il fallait licencier, aujourd'hui on dit qu'on dégraisse (cette expression, dont on appréciera l'élégance signifie supprimer la mauvaise graisse que sont censés représenté des femmes et des hommes qui travaillent.
La question n'est pas de les supprimer, de faire de leur graisse du savon, de leur peau des abat-jour, ce serait de mauvais goût et démodé, on ne supprime que le travail. Le non travail des non-salariés représente en fait une plus value pour les entreprises, donc une contribution aux célèbres " création de richesses " (licenciement annoncé chez Renault entraînant une montée des cours de bourse) un bénéfice en quelque sorte pour ceux qui ne les emploient plus. Ne serait-il pas juste que leur revienne une part du profit généré par leur absence, une part des intérêts acquis à ne pas les employer ?

Cette régression est si impressionnante que les réflexes d'austérité et les hymnes aux monnaies fortes nous ramènent de façon surréaliste soixante ans en arrière sans que les leçons de l'histoire aient porté le moindre fruit. 

Il est significatif que les 2/3 des allocataires du RMI demandent en priorité un emploi.

Le travail n'est pas une fin en soi. La diminution du temps de travail provoque des débats explosifs parce que nous sommes dans l'incapacité politique et sociale d'en gérer correctement les conséquences dans un contexte mondial de compétition extrêmement tendue. 

Peut-être pourrait-on distribuer, une allocation universelle qui laisserait à chacun la liberté de ne pas travailler s'il le désire (c'est alors un droit de non travail qui serait inscrit dans la constitution). Jean-Marc FERRY fait valoir que le coût social de l'obligation de travailler (négligence, rebuts, congés maladies, qui sont une forme de résistance) est sans doute supérieur aux avantages du travail contraint. Mais la logique dominante, celle de la compétition, est douée d'une formidable inertie à l'émergence de solution humaine raisonnable.

 

Droit à la paresse de Paul LAFARGUE

" Quiconque donne son travail pour de l'argent se vend lui-même et se met au rang des esclaves " Cicéron

Le salarié, décidément tombé dans l'inconscience, considère comme une récompense le fait que le dieu Capital lui donne " toujours et toujours du travail ". Inversement, il s'estime puni et en quelque sorte excommunié quand il est condamné au chômage.

Le salarié est tellement pénétré de la religion du capital se confondant pour lui avec celle du travail que le travail est sa seule prière.

L'homme est le seul animal qui produit ce qu'il consomme, non seulement, il produit ce qui est nécessaire à son entretien quotidien mais quelque chose de plus qui pourrait être épargné pour les besoins du lendemain.

L'homme en faisant travailler son semblable, peut lui dérober et accaparer une partie des fruits de son travail. On a par toute la terre organisé la chasse à l'homme pour se procurer des esclaves. Et c'est sous la forme de commerce d'esclaves que pour la première fois le commerce international a fait son apparition dans le monde antique.

 

1995, Le nouveau pari Monnaie -Terre Edition Terre active

L'Art de battre Monnaie :

Comprenez bien que ma situation est douloureuse... J'ai une enfance très difficile, je fus sel, cuivre, collier, une croissance incertaine, d'or et d'argent puis d'encre et de papier, des déflations, des inflations, des crises, je suis passée en beaucoup de main, des dévaluations, des changements de cours, des prêts, des actions, et beaucoup d'obligations et aujourd'hui je sers de bouc émissaire. J'ai beaucoup de moi-même au chômage, dans des coffres et écritures. Comprenez bien que pour moi aussi le chômage actuel et bien d'autres maux sont des symptômes évidents de la débilité profonde du système en vigueur. J'aime tellement circuler. Car rien n'oblige les rouages économiques actifs actuels à tenir compte de l'intérêt général, du long terme, du respect des gens, des sociétés et des écosystèmes. Rien sauf la conscience. Et l'instinct. Et les faits. Et moi et moi et moi. Je ne suis le grand corrupteur que de la façon dont on m'utilise. Soupir...

Statistiques du Programme des Nations Unies publiées dans le " Rapport Mondial sur le Développement "

En divisant la population mondiale en 5 tranches de 20%, il apparaît qu'une première tranche accapare 82,7% des richesses planétaires. La seconde n'a droit qu'à 11,7%, au lieu des 20% de moyenne. Le pire est derrière : La troisième tranche de la population mondiale utilise 2,1% du revenu mondial. La 4ème tranche : 1,9%... Et la 5ème tranche ? 1,4% !... Dément !!!

La conscience mondiale est aujourd'hui écœurée par cet état de fait absurde, morbide, crétin et criminel, indigne même du passé.

La part du capital mondial rentrant dans la production est égale à 2,5% de l'ensemble !!! Les 97,5% restants du capital mondial spéculent sur eux-mêmes, provoquant crise et famines. Comment est-il possible dans ces conditions d'envisager quelque reprise que ce soit ?

Si on songe que depuis quatre siècles l'agriculture rapporte entre 2,5% et 3% de bénéfice annuels, et que l'industrie, sur la même période, rapporte 3% à 4% de bénéfice, comment voulez-vous qu'un investisseur gagnant entre 15 et 400% à l'année investisse dans ces parties de la production pourtant indispensable à la vie des être humains sur terre.

Il faut faire payer aux Robots, Ordinateurs et Systèmes experts une cotisation sociale.

Tout être humain a droit à la vie, il le tient de nature et doit donc avoir sa part des richesses du monde. Tout être humain vivant est l'héritier d'un immense patrimoine culturel, œuvre collective poursuivie pendant des siècles par une foule innombrable de chercheurs et de travailleurs, tacitement associés pour l'amélioration de la condition humaine. Il est donc l'usufruitier de ce patrimoine.

Les droits politiques ne suffisent plus à assurer la liberté de l'Homme, car la plus essentielle est celle de l'esprit. Or n'a l'esprit libre que celui dont l'existence matérielle est assurée. Les droits du citoyen doivent donc se compléter de ses droits économiques, concrétisés par un revenu social, dont chaque individu bénéficiera du berceau au tombeau.

Le revenu social libérera la femme, aucune loi naturelle ne la condamnant à dépendre économiquement de l'homme. En contrepartie de ce revenu social, le citoyen accomplira un service social au cours duquel il fournira sa part de travail que réclame l'appareil de production et d'administration.

Notre monnaie traditionnelle permet de différer la demande (offre de numéraire) d'un jour, d'une semaine et même d'un an. Sans préjudice immédiat pour elle-même ; alors que l'offre (l'offre de marchandises) ne peut être différée même d'un jour, sans occasionner au propriétaire des frais de toutes sortes. Les marchandises agricoles et industrielles ont besoin d'être vendues. Le temps dégrade tout, soit naturellement, soit par le progrès technologique et la concurrence. Si la marchandise n'est pas actualisée dans l'achat, elle est condamnée et les producteurs avec, tandis que l'argent est la seule marchandise qui ne se dégrade pas, n'ayant aucune valeur en soi et n'étant pas consommable. De l'or au papier monnaie, rien n'a changé.

La liberté du côté de la monnaie, indestructible, mène le monde. L'agriculture, l'industrie, le commerce sont affligés par les êtres détendeurs de cette monnaie qui peut attendre. Qui peut produire des famines impunément. Qui peut dédaigner tout investissement au profit du papier pour du papier.

Si le marché constitue la voie par où s'échangent les marchandises, le numéraire oppose une barrière; la barrière ne s'ouvre qu'après perception du péage. Ce paiement - qu'on appelle péage, tribut, profit, intérêt ou autrement - s'impose dans tous les échanges. Pas de tribut, pas d'échange.

Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas du bénéfice commercial du salaire auquel le commerçant a droit, et qu'il ne manque pas d'exiger pour son travail. Je parle ici du profit spécial que l'homme aux écus est en mesure de réaliser en menaçant les producteurs d'arrêter les échanges par la grève de l'argent. Ce profit n'a rien à voir avec le bénéfice commercial : il représente la part que l'argent s'arroge, fort de sa liberté, en face de la contrainte physique, du besoin de s'offrir, qui afflige les marchandises. C'est la crise. L'argent est face à une demande trop forte ? En se mettant en réserve, en s'accumulant à l'abri de l'échange, l'argent des spéculateurs fait défaut au marché. Et la demande grandit encore plus. Alors, c'est l'effondrement de la production. Quand la demande ne suffit plus, elle disparaît, telle est la loi. La crise est alors généralisée. Mais quand la demande se raréfie, il ne faut plus compter sur les capitaux.

Le contraire du chômage n'est pas le travail. Le travail n'est le contraire de rien. C'est une richesse en soi, même quand il n'est pas rétribué. C'est un bonheur. Quelque chose que l'homme fait pour lui, même si c'est un autre qui en tire profit.

Il ne faut pas confondre travail et emploi. Les emplois sont rares. Le travail est partout où l'homme s'accomplit, réalise, bâtit, laisse une trace. Il ne faut pas élire des gens qui disent qu'ils vont créer de l'emploi. Ce sont des menteurs. Il faut réhabiliter le travail, le sortir de ses ornières. De sa tyrannique équation : production, rétribution, consommation. Il faut le sortir du salariat. Et on gagnera sa vie comment ? je n'en sais rien. On ne la gagnerait pas. On la vivra. Je rêve ? Rêvez aussi, ça presse  
(Pierre Foglia quotidien Québécois La Presse du 10 juin 1995)

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