Parce qu'ils ont une écoute attentive de l'évolution de notre société et se sentent responsables de son avenir,ils soutiennent cette innovation citoyenne que sont les S.E.L. (Système d'Echange Local)
En cette période nécessairement révolutionnaire, l'avenir est décidé par ceux qui apportent des idées neuves. Dans l'organisme vivant qu'est une société, les agents les plus importants ne sont pas ceux qui disposent de la puissance ou du pouvoir, mais ceux qui instruisent de nouvelles façons de penser et d'agir. Ils jouent le rôle de glandes endocrines chez les êtres vivants.
Merci aux SEL d'être des producteurs d'hormones sociales.
Albert JACQUARD Polytechnicien et généticien des populations - Paris VI
Membre du Haut Comité pour le logement des défavorisés
Il est nécessaire à la santé de la société qu'existe au titre de la société civile des échanges qui relèvent du non monétaire et qui peuvent être instrumentés comme le font les SEL. Ces échanges sont d'ailleurs profitables à l'économie de marché.
Si le procès fait à des membres du SEL de l'Ariège est juridiquement contestable, il est en tout cas économiquement illogique.
Roger SUE Sociologue, Université de Caen
Auteur du livre : 'Temps et Ordre Social' au Seuil
Les membres du SEL mettent en oeuvre le principe de subsidiarité du travail et de la production, c'est à dire le principe de la priorité à l'échelon décentralisé. Un tel principe repose sur le bon sens; le plus extraordinaire est que le règne de l'intégrisme libéral nous oblige à rappeler de telles évidences...! Si modestes que soient ces expériences, elles sont porteuses d'espérance. On a là le type même d'une solution locale au problème global de la crise et en même temps, cela constitue un laboratoire extraordinaire de reconstruction du lien social à la base.
Serge LATOUCHE Professeur d'économie à l'Université Paris XI et à l'Institut d'Etude et de Développement Economique et Social de l'Université de Paris I
Auteur du livre : 'Les dangers du marché planétaire' (Presses de Sciences Po. Mars 1998)
L'expérience des SEL est l'une des plus prometteuses qui soient aujourd'hui :
Elle permet de reconstituer localement de la cohésion et de la solidarité sociale, de façon fine, interactive, vivante. Elle valorise les personnes comme le groupe, et ceci dans un indiscutable bonheur relationnel.
Elle permet de lutter contre l'exclusion sociale et l'appauvrissement avec un degré remarquable de précision d'implication, et de responsabilisation dans des situations où les autres 'outils' seraient certainement impuissants.
Il reste que, même si la démarche devait se généraliser de façon plus importante que ce n'est la cas aujourd'hui, on voit mal comment elle pourrait bouleverser l'ordre marchand et le jeu de l'échange. L'exemple des pays étrangers (anglo-saxons) le montre bien. Par nature, la démarche est marginale. (et ceci n'est nullement péjoratif). L'interdire reviendrait à durcir les situations d'exclusion de ceux qui recourent à cette démarche, ce serait adopter une attitude dogmatique, presque sectaire, et loin des réalités. Et ça ne serait pas là la marque d'une société ouverte et libérale mais bien un signe supplémentaire de fermeture et de déclin : une symbolique d'enfermement opposée à une réalité d'espoir... fut-elle très limitée, ténue.
Alain de ROMEFORT Administrateur Civil. - Ministère de l'Emploi et de la Solidarité
Ancien chef de la "Mission Promotion de l'Emploi" - (Délégation à l'Emploi)
Ancien Président du programme de coopération "Initiatives Locales" de l'OCDE
La démarche des SEL est véritablement révolutionnaire car elle rompt avec les particularismes syndicaux, politiques, religieux ou professionnels, pour mélanger les genres, les individus et les milieux, et ce, en dehors du marché et de ses effets.
Voici qu'en dehors de toute idéologie et de toute politique, des hommes et des femmes, pris par la nécessité et la volonté de ne pas se contenter de survivre à petit feu, deviennent à la fois producteurs et consommateurs.
Ces 'prosommateurs' selon l'expression du futurologue américain Alvin Toffler, se paient en grains de sel, le sel de la Terre. C'est bien pour cela qu'il faut défendre (les SEL) contre les magouilleurs du bâtiment ou d'ailleurs, qui ont poursuivi en Ariège notamment, les pratiquants de ce système d'échange pour concurrence déloyale et (il faut les défendre aussi) contre une justice qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez en condamnant des membres du SEL pour 'travail clandestin'.
Si on commence à étouffer dans l'oeuf ce genre d'initiative, qui signe manifestement l'amorce d'un chemin alternatif à la jungle du marché, alors il ne restera plus que le désespoir, et une violence qui ne sera pas longtemps clandestine.
André BERCOFF Ecrivain
Auteur de 'Ce foutu pays bien-aimé' - Nil Editions
Le sens originel de la monnaie
Ce sont paradoxalement les membres des SEL qui réinventent l'usage originel et positif de la monnaie comme moyen de faciliter les échanges entre humains. Dès lors que des personnes souhaitent produire ou échanger au-delà d'un rapport bilatéral, la création d'un étalon d'échange s'avère beaucoup plus pratique que le troc. N'importe quel étalon peut faire l'affaire : un coquillage, une unité de temps, une pièce de zinc ou une écriture informatique. La seule condition pour que la monnaie ne perde pas son sens c'est que l'on n'oublie pas qu'elle n'a, en tant que telle, aucune valeur et que seuls les humains qui échangent sont à l'origine de cette valeur.
C'est ce même enjeu qui se joue aujourd'hui avec les SEL et le procès qu'on leur intente. Ceux-ci n'existent que parce que les monnaies " officielles " ne remplissent pas leur mission fondamentale qui est de favoriser l'échange entre personnes proches en un temps court. Les monnaies dites fortes, en privilégiant l'échange au loin dans l'espace ou le temps (la thésaurisation), ont fini par abandonner la fonction d'échange de proximité.
Du coup leurs règles ne sont plus fondées sur la confiance mais sur la méfiance puisque l'on ne peut évidemment guère avoir confiance dans une personne que l'on ne connaît pas à dix mille kilomètres de chez soi, ou dans le fait que son argent aura toujours la même valeur dans vingt ans.
Les coûts de transaction des monnaies officielles, les protections juridiques très lourdes pour les défendre sont la contrepartie de cette méfiance. Cela ne signifie pas qu'elles n'ont pas une utilité : mais celle-ci n'est légitime que pour autant que la thésaurisation et l'échange au loin ne deviennent pas contradictoires avec l'échange de consommation et
de proximité.
Que l'on ne s'étonne pas dans ces conditions qu'une personne insolvable, qui se moque d'acheter un bien à Singapour ou de posséder des actions, mais a besoin de faire réparer son toit, préfère retrouver dans un réseau d'entraide le sens originel de la monnaie. Et les grandes Institutions monétaires devront choisir, en particulier pour l'Euro, entre deux voies :
soit accepter plusieurs fonctions pour une même monnaie, soit accepter une pluralité de monnaies, ce qui est déjà le cas, notons le, avec toutes les monnaies affectées du type " chèque restaurant ". En revanche le choix qui consiste au nom du fétichisme monétaire à interdire à des personnes désireuses de produire et d'échanger au motif qu'elles sont sans monnaie officielle est tout à la fois inhumain et irresponsable.
On pourrait en paraphrasant l'Evangile sur le rapport de l'homme au sabbat rappeler à tous nos argentiers que la monnaie a été faite pour l'homme et non l'homme pour la monnaie.
Patrick VIVERET Directeur de Transversales Sciences Cultures,
Conseiller référendaire à la Cours des Comptes.
Beaucoup d'entre vous connaissent cette expérience, pour l'avoir eux-mêmes vécue. Pour les autres, je reprendrai les propos d'un de ses responsables, François Terris (et je jubile à retrouver sous sa plume des convictions qui sont les miennes).
Nous nous apercevons que nous employons une mesure de nos ressources qui est devenue une ressource en elle-même et que, de ce fait, nous en sommes devenus dépendants et même esclaves. Cette mesure que nous avons nommée "argent" est devenue un maître exigeant et injuste, régnant grâce à l'exclusion et à l'écrasement des plus faibles.
L'ONU nous dit que les richesses des trois cent cinquante habitants les plus riches de la terre sont égales à la "richesse" (ou la misère ?) des deux milliard trois cent millions des habitants les plus pauvres.
Ainsi, ce système monétaire archaïque et périmé continue à régner en faisant des ravages dans l'humanité (...).
Alors nous formons des économistes qui nous disent qu'il faut de la croissance pour sortir du tunnel. Nous formons des chefs d'entreprise qui licencient afin de sauver le profit et qui s'autodétruisent en supprimant leurs propres consommateurs. Nous formons des hommes politiques qui sont satisfaits de nous faire croire qu'ils y croient. Et que dire des consommateurs que nous sommes parfois, et qui entretiennent inconsciemment le mouvement ?
Pendant ce temps-là, le monde s'enfonce dans la misère, et il n'y a pas de solution en vue.
Il n'y aurait pas de solution en vue si des hommes comme celui que je viens
de citer, et tant d'autres avec lui, n'avaient imaginé une autre manière de vivre en société, fondée non pas sur la richesse et la consommation forcenée mas sur les échanges entre les hommes. "La rencontre vaut tout l'or du monde", ajoute-t-il.
Quelle est donc l'alternative qui nous est ici proposée ? Elle se nomme, d'une manière un peu sibylline, le SEL. Sel de la vie ? Sel de la terre ? Un peu tout cela.
Le Système d'échange local part du principe que chacun porte en soi sa propre richesse et qu'il peut la mettre au service de la communauté. Son savoir, son savoir- faire représente le sel de la société. Vous voulez poser des étagères mais vous vous écrasez les doigts dès que vous prenez un marteau et votre sac à finances est mité ? Qu'à cela ne tienne ! A trois rues de chez vous, vit une fieffée bricoleuse dont le fils est nul en maths. Quelques heures de cours contre le montage des étagères ?
Tope là ! Je vous donne ici l'exemple le plus primaire qui me traverse l'esprit.(...). Quand l'ordinateur s'en mêle, les multiples échanges se simplifient et le réseau s'étend. (...). Ils veulent - nous voulons - que tous puissent vivre. Non pas en prônant le retour au troc primitif pour l'ensemble du monde ! Que nous disent les acteurs de ces associations ?
Nous aspirons à vivre dans un monde sans spéculation, où l'échange d'objets et de services soit aussi l'occasion de rencontres. Nous en avons assez de l'individualisme haineux qui fait de l'autre un ennemi dans la grande compétition pour la survie ou la gloire; nous en avons assez de la solitude; assez de payer de nos vies d'indécentes et inutiles fortunes. (...)
Danielle MITTERRAND Extraits de : 'Le Printemps des Insoumis' chez Ramsay 1998 (pages 204 à 209)